Les mains glacées
Je lui disais que les lendemains de fête étaient propices aux visites mortuaires car les décès me semblent plus nombreux durant ces périodes de réjouissances fastes. Accidents de la route, drogue, alcool, comas, noyades, rixes. Tu sais, ce qu'il me faudrait c'est trouver un joli corps en bon état et l'enlever pour une nuit ou deux. Elle a continué à me regarder alors que j'étudiais les passants par la fenêtre — j'ai d'ailleurs retenu trois garçons pour le Casino Degli Spiriti — et, du coin de l'oeil, j'ai vu ses traits se crisper dans une expression de franc dégoût. J'ai sauvé quelques mots dans le flot de phrases inaudibles qu'elle a subitement laché.
Viol. Cadavre. Immonde.
Toujours cette sale idée de profanation. Pourquoi tant sacraliser ce qui ne vit plus ? Un corps mort privé de son âme n'est qu'un tas de chair, un simple amas organique possiblement inducteur de désirs. J'ai répété "possiblement" en levant l'index, ai retiré ma bague et l'ai faite rouler sur la table. Je devrais penser à éviter d'entamer ce genre de conversations avec qui n'est pas prêt à comprendre. Tu n'as aucun humour, ai-je finalement avancé pour me sauver.
Gorgée de thé au lait.
Parole sera un jour donnée aux vampyres, ogres barbares, cannibales et autres incubes baiseurs de viande froide. Mais pour l'instant, mieux vaudrait rester discret. Je me trahis et cela n'est point du goût de Franz, le Doppelgänger.